Jour 44 : à trois jours du Cap Horn
Thomas Ruyant, à l’avant d’un petit groupe très compact « d’énervés », entame son dernier sprint avant le cap Horn. Ce nouveau marqueur s’annonce déjà, à 1 300 et quelques milles d’une navigation sous haute tension, tant la concurrence est proche et active, mais apaisée avec l’éloignement rapide d’une grosse dépression qui chahute aujourd’hui Sébastien Simon, détenteur de la troisième marche du podium provisoire.
Thomas affiche en ce 44ème jour de course une belle application à toutes les facettes de son métier multicarte de marin océanique. Avec méthode, il gère mille après mille une progression mal aisée dans une mer formée et désordonnée, peu propice aux grandes vitesses.
La traine de la dépression n’offre guère d’angles favorables là encore aux grandes envolées. Réglér, équilibrer, toiller VULNERABLE est un combat de chaque instant, et chaque relâchement se paie comptant face à pas moins de 7 redoutables adversaires qui, de Justine Mettraux (Team Work-Team SNEF) à Jérémie Beyou (Charal) s’écharpent en moins de 200 milles. Thomas a su, aux forceps, à l’énergie, se doter un petit, tout petit matelas d’avance qu’il espère faire fructifier d’ici au Cap Horn, l’île mythique qu’il pense voir d’ici un peu plus de trois jours, d’ici à vendredi, dans les temps du record d’Armel le Cleach en 2016 (47 jours et 32 minutes).
📞💬 Thomas Ruyant, joint dans la nuit:
– Noël dans le Grand Sud, c’est comment?
« Ca va pas mal. Les conditions sont un peu plus sympas depuis 24 heures. Il y a moins de grains, et ils sont moins violents que ce qu’on a connu depuis deux jours. Le gros coup de vent que j’anticipais va passer devant nous et on devrait avoir des conditions maniables jusqu’au cap Horn. On ne voyait pas les choses ainsi il y a 4 jours. La mer va rester hachée et compliquée, mais je suis heureux de l’évolution jusqu’au Horn. On y rencontrera pas mal d’air mais ensuite, cela se calme en Atlantique. Je n’ai pas encore regardé tout cela de très près. On a eu une mer chaotique durant 3 jours et on n’est pas allé vite. Mais heureusement, la dépression est passée devant nous et s’éloigne rapidement.
Je ne regarde pas les bateaux derrière moi. J’ai peur que cela recolle. Je fais ma route vite et « safe ».
– Difficile d’aller très vite à cause de l’état de la mer?
« Ca s’arrange! On n’a pas encore les hautes vitesses devant un front, mais les conditions s’améliorent, même si ce n’est pas encore idéal. »
– Sentiment de solitude?
“La solitude ne me pèse pas. A l’approche des fêtes, le repas familial, les familles, les cadeaux, ce ne sera pas pour moi cette année. Mais j’ai plein de choses qui ont été prévus par mon entourage pour les fêtes, et notamment un calendrier de l’avent qui était très sympa tout ce mois de décembre. »
– ETA Cap Horn?
« Probablement le 27 decembre. »
– Impatient de rentrer en Atlantique?
« Je suis impatient de tourner à gauche. Mais attention, cela ne veut pas dire que la meteo sera plus simple. Ce sera la fin d’un gros morceau, dur, un peu frustrant par moment .A présent, je prends beaucoup de plaisir. J’essaie de rivaliser avec les « énervés » qui sont avec moi. Le Sud n’a rien pardonné. J’ai le sentiment d’avoir navigué en bon marin sans casser le bateau. Ca n’a pas payé. C’est comme ça. J’attends les bonnes températures. Je suis super couvert et j’ai très froid malgré tout. »
– Tu t’es donné un peu d’air par rapport à Nico et Jérémie. Heureux de ça?
« Tant mieux. J’ai été bien dessus en trajectoires à gratter mille par mille. Je sais qu’il sont eu des soucis. On était bien groupé en sortant de la dorsale. Je suis content d’avoir un peu de gras pour aborder le Horn. »
– Tout le monde semble avoir des soucis matériels. Sens tu l’usure du matos?
« J’ai moi aussi quelques soucis, que je parviens à gérer. Pas mal de matelotage, des points d’écoute à réparer. On sent que ca travaille, que ca couine un peu, que ca s’oxyde aussi. Un de mes deux écrans est à moitié mort… des petites choses qui marquent le bateau et le temps long. Mais mon équipe TR Racing a fait un boulot de dingue et je dois les en remercier.”
– As tu une idée de ton menu de Noël?
« Tajine, foie gras et champagne! »
Le saviez-vous? 🤔
Le Cap Horn (Cabo de Hornos) est une pointe rocheuse située sur l’île Horn dans l’archipel de la Terre de Feu, au sud du Chili. Ce cap est le point le plus austral de toute l’Amérique du Sud. Il marque la frontière entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique
Il s’agit bien d’une île, l’île Horn, l’une des îles Hermite appartenant à la Patagonie. Le Cap Horn borde le détroit de Drake situé dans les cinquantièmes hurlants, un passage maritime de 809 km de large entre le Cap Horn et l’Antarctique.
En 1578, le corsaire anglais Francis Drake tente de passer le Cap Horn, mais traverse finalement le Passage Drake. Le marin portugais Ferdinand Magellan, opte quant à lui pour la traversée du détroit à qui il a donné son nom. Ce sont les explorateurs Néerlandais Jacob le Maire et Willem Cornelisz Schouten qui, le 29 janvier 1616, sont les premiers marins à conquérir le Cap à bord de deux navire l’Eendracht et le Hoorn. Ils donnent au Cap le nom de la petite ville de Hoorn aux Pays-Bas, qui finance l’expédition de ces 2 navires.
L’Antarctique ne sera découverte qu’en 1820, bien que situé qu’à 650 kilomètres (400 miles) du Horn de l’autre côté du passage de Drake.